Vaucluse en 1870 (III)

Vaucluse en 1870

par le docteur Billod, Médecin en chef

Le directeur de l’asile d’aliénés de la ville de Paris à Épinay-sur-Orge en Essonne, ancienne Seine-et-Oise, décrit et justifie son action dans la tourmente du siège de Paris par les prussiens de septembre 1870 à janvier 1871.

Il avait recueilli les aliénés de Ville-Evrard, dépendant aussi de Paris, et doublé la population de l’asile, passant à environ mille aliénés.

Il s’étend sur les difficultés d’approvisionnement, les visites des officiers ennemis et les demandes de réquisitions malgré le statut de neutralité validé par le quartier général allemand, et enrichit le récit d’anecdotes.

– Je diffuse ici quelques passages, illustrés de cartes postales un peu postérieures ; mais les lieux changeaient peu à l’époque.

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– Asile de Vaucluse

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– Épinay-sur-Orge (S.-et-O.) – Vue panoramique de l’Asile de Vaucluse, prise du Perray

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En même temps que, de concert avec les fonctionnaires et employés dont j’aurai plus loin à apprécier le concours, je m’efforçais d’assurer le service des approvisionnements, j’ai cru devoir prendre les mesures d’ordre qui suivent :

Pour apprécier l’importance de ces mesures il importe de rappeler que l’Asile est dans une situation topographique qui en faisait en quelque sorte le centre des cantonnements de l’armée prussienne. Ces cantonnements, en effet, occupaient les villes ou villages de Longjumeau, Montlhéry, Longpont, Ste Geneviève, Épinay, Savigny, Morsang, Villemoisson, Villiers et Ballainvilliers qui l’enveloppent comme dans un cercle.

Il ouvre de plus par trois portes sur les villages du Breuil, du Perray et de Villiers.

De la colline sur laquelle il est situé il domine le cours de l’Orge qui traverse la propriété et la forêt dite de Ste Geneviève qui ferme son horizon.

La lisière de cette forêt est parcourue par le chemin de fer d’Orléans et par la route de Montlhéry à Ablon qui tous deux passent devant la ferme laquelle est sur la rive droite de l’Orge, tandis que l’Asile est sur la rive gauche. À raison de cette situation, on a de toutes les parties de l’établissement assisté à tous les mouvements de troupes si considérables qui se sont opérés sur cette voie.

Il n’a pas été pendant le siège de Paris une seule des localités dont je viens de parler, sans en excepter la forêt elle-même, qui n’ait été occupée par des détachements plus ou moins considérables.

L’armée bavaroise occupait plus spécialement la partie située au S.O. de l’établissement du côté de Montlhéry, de Longpont, de Villiers, etc.

La cavalerie de la 2e division de l’armée prussienne, commandée par le Prince Royal, cantonnait plus spécialement dans la partie située au N.E. comprenant les communes d’Épinay, Villemoisson, Savigny, etc..

Un détachement de hussards du 4e régiment de Silésie a occupé le petit village du Breuil sur lequel donne directement la porte principale du domaine et, par suite, de l’établissement.

J’ajoute que, pendant quelque temps, la moindre des voies qui sillonnent ces malheureuses contrées était gardée nuit et jour par des sentinelles qui arrêtaient les passants non-munis de sauf-conduit.

Il devait naturellement résulter d’une telle situation de fréquents points de contact entre l’armée prussienne et le personnel de l’Asile.

J’ai dû d’abord rappeler à ce dernier que notre préoccupation principale, si ce n’est exclusive dans la circonstance actuelle devant être de sauvegarder la dignité de l’administration, il importait, dans les rapports que nous pourrions être forcés d’avoir avec les troupes allemandes, de ne pas dépasser les limites d’une stricte politesse. J’insistai, d’ailleurs, sur la réserve extrême que nous commandait à tous la neutralité qui constituait à proprement parler notre seule protection.

Je m’efforçai moi-même de donner l’exemple en imprimant à mon attitude le caractère de fermeté et de réserve qu’elle me semblait devoir comporter dans des circonstances aussi graves et aussi délicates.

Pour ne pas être suspect de la moindre initiative de rapports personnels avec l’armée prussienne, je me suis abstenu de franchir le seuil de l’établissement et du domaine.

Un assez grand nombre d’officiers et de médecins militaires appartenant soit à l’armée bavaroise, soit à l’armée prussienne, sont venus me demander la permission de visiter l’établissement comme des étrangers auraient pu le faire en temps ordinaire.

Je n’ai pas cru devoir le leur refuser et j’ai reçu d’eux après chacune de ces visites, des remerciements auxquels se joignait l’expression de la plus vive admiration pour les mérites d’une œuvre qu’ils proclamaient être sans égale.

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– Asile de Vaucluse – La Colonie

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– Asile de Vaucluse – Tour de séchage de la blanchisserie

  • Médiagraphie : delcampe.net, Google Maps, geoportail.gouv.fr
  • Vaucluse en 1870 – Les aliénés de Vaucluse et de Ville-Evrard pendant le siège de Paris, Par le docteur Billod, Médecin en chef directeur de l’asile d’aliénés de Vaucluse (Seine et Oise), Paris, Librairie de G. Masson, libraire de l’Académie de médecine, Place de l’École de médecine, 1872
  • Voir aussi : Vaucluse en 1870
  • Vaucluse en 1870 (II)

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– Étude sur des questions concernant la réorganisation du service des aliénés de la Seine

et

Des maladies mentales et nerveuses, Par E. Billod, Médecin en chef, directeur honoraire des asiles de la Seine … Paris, G. Masson, Éditeur, 1882

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